• 29/03/2019
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La méthode Montessori en EHPAD

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On connait la méthode Montessori pour les enfants, mais moins pour les personnes âgées. Elle a pourtant été déclinée pour s’adapter à ce public. Les Dames Blanches, à Yvetot, et l’Archipel à Duclair (Seine Maritime) la pratiquent depuis quelques années. Sophie Gagelin, psychologue, revient sur cette philosophie et son application en établissement.

Se baser sur les capacités restantes

C’est Cameron J. Camp, docteur en psychologie américain, qui a adapté la méthode Montessori et son mot d’ordre « aide-moi à faire seul » pour les personnes âgées, en se basant sur leurs capacités restantes et en les encourageant à réaliser des gestes de la vie quotidienne. « Tout ce que nous faisons, du moment où nous nous levons jusqu’au moment du coucher, peut être considéré comme un ensemble d’activités. Toute personne peut être plus ou moins fière de ce qu’elle a accompli durant une journée et ce sentiment de succès ou d’échec affecte son estime d’elle-même. La satisfaction que nous éprouvons est grandement déterminée par les activités que nous réalisons. Il est donc nécessaire que la personne âgée effectue quotidiennement des activités nombreuses et stimulantes qui ne la mettent pas en échec, mais contribuent au contraire à la valoriser » écrit Cameron J. Camp.

Aux Dames Blanches et à l’Archipel, la personne âgée est au cœur de toutes les actions, elle est actrice de sa vie : « on change de paradigme, en se concentrant uniquement sur les capacités restantes, au lieu des capacités perdues, note Sophie Gagelin. Cela change le regard sur les personnes âgées, la dépendance, les actions des soignants…Nous proposons aux résidents d’effectuer les actions qui font la vie de l’établissement : faire son lit, distribuer le courrier...Cela leur permet de se sentir utile. Nous proposons des activités Montessori au tout long de la journée ».

Trois jours de formation

Tout a commencé par une formation du personnel à cette méthode : « le personnel formé a été si enthousiaste que nous avons décidé d’appliquer la méthode Montessori à l’établissement, et de nous labelliser. Il est primordial que toute l’équipe soit formée, pas uniquement les soignants : cela permet de porter la méthode, de partager des valeurs communes, et surtout d’avoir une attitude cohérente envers les résidents » souligne Sophie Gagelin. La formation dure trois jours, et à son terme, chaque personne propose un plan avec des actions concrètes à mettre en place dans l’établissement. Une « piqûre de rappel » a lieu tous les trois ans.

La formation de tous les salariés est un véritable investissement. Mais c’est le seul coût. Pour appliquer la méthode, il n’y a pas besoin de mobilier ou de matériel spécifique. Pour donner un cadre au projet et le suivre, un pilotage régulier a été mis en place : une réunion est organisée tous les deux mois pour faire le point sur les pratiques et sur les plans d’actions : ce qui fonctionne, ou pas, ce que nous devons modifier pour être plus efficient…« Il est important d’échanger sur la méthode en équipe, cela permet de se l’approprier. Elle demande de se réinterroger en permanence » note Sophie.

La méthode Montessori a été très bien accueillie par les résidents et leurs proches. On note une évolution positive pour les personnes les plus dépendantes. En revanche, les personnes très autonomes sont moins séduites par le projet, car elles en éprouvent moins le besoin.

Un rôle pour chacun

La méthode Montessori est présente dès l’admission d’un nouveau résident, dans son questionnaire de projet de vie personnalisé. Le référent insiste sur ses habitudes et son histoire de vie. Il présente les différentes tâches (mettre la table, s’occuper des animaux, faire le repas…) et voit si cela peut intéresser le futur résident de s’y associer. Il lui est également proposé de voir un résident ambassadeur, qui s’est porté volontaire pour échanger avec le nouvel arrivé et ses proches. Il s’agit d’une des missions confiées dans le cadre de la méthode Montessori « Discuter avec une personne qui habite ici, qui est déjà passée par là peut se révéler être très rassurant pour le futur résident » souligne Sophie. « Ces missions sont des rôles sociaux. Ils permettent de valoriser et de responsabiliser le résident qui effectue des actions utiles, pour lui-même et pour les autres. Les résidents peuvent s’inscrire s’ils le souhaitent. Quelques exemples : passer le balai dans sa chambre, faire son lit, éplucher les légumes, distribuer le courrier, nourrir les chèvres et le chien…Après chaque action réalisée, le résident est remercié et félicité. L’objectif est que les résidents effectuent des actions de la vie quotidienne, qu’ils ont perdu l’habitude de faire en entrant dans l’établissement. Il est important qu’ils retrouvent ces reflexes. Concrètement, avant, nous allions chercher le courrier pour le distribuer aux résidents, nous nous occupions des chèvres et du chien. Le midi, nous mettions la table. Maintenant, nous allons chercher les résidents pour faire tout cela. Sur le moment, nous pouvons avoir l’impression de perdre du temps, mais ce temps est rattrapé sur la tâche elle-même, car tout le monde met la main à la pâte. Au lieu de « faire à la place », on « fait avec » explique Sophie.

Même les résidents les moins autonomes peuvent faire des choses : « tout est activité, y compris les soins ou la toilette : faire choisir la personne entre deux gels douches, ou entre deux tenues. Nous nous basons notamment les sens : l’odorat et le toucher restent longtemps inaltérés. On peut toujours faire des choix ».

La méthode Montessori permet également de limiter certains comportements gênants : « Nous avons installé un « meuble à fouiller » : avec des foulards, des bijoux fantaisie, des petits objets…Cela permet aux personnes d’aller y chercher des choses sans passer par la chambre des autres résidents ».

Des bénéfices à tous les niveaux

Elle a la particularité d’être pratique et faisable au quotidien. Elle ne demande pas de temps supplémentaire par résident. « Nous n’avons que des retours positifs des équipes, car Montessori n’engendre pas de frustration, ni de culpabilité : on peut se fixer de très petits objectifs. Elle permet surtout de redistribuer le temps imparti différemment avec chaque résident. Nous avions certains soignants qui, une fois sorti du soin, avaient parfois un peu de temps mais ne se sentaient pas à l’aise avec le résident. Grâce à la formation, ils proposent plus facilement une activité, ou font appel aux rôles sociaux » souligne Sophie.

Les familles sont également invitées à réaliser des activités Montessori avec leurs proches. « Cela aide surtout les familles en difficulté avec la pathologie de leur parent, notamment au niveau des échanges. On se tient à leur disposition pour expliquer la méthode. Depuis Montessori, il y a plus de vie dans la maison. Cela crée du lien social entre les résidents, qui réalisent des activités ensemble. On voit des petits groupes autonomes un peu partout » remarque Sophie. L’équipe est plus soudée, grâce à des valeurs communes : tout le monde est là pour prendre soin de la personne et pour la valoriser.