• 01/11/2019
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Accompagner la fin de vie

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Comment agissent et travaillent sur ce sujet complexe les équipes de La Maison des Ombrages en Isère. La Haute Autorité de Santé rappelle que « l’accompagnement de la fin de vie fait partie du projet d’accompagnement global de la personne en EHPAD ». Les professionnels de nos établissements se voient donc confier la mission et la responsabilité d’être aux côtés des personnes âgées et de leurs proches dans l’un des moments les plus intimes de leur existence. Comment abordent-ils le sujet ? Comment y sont-ils préparés ? Et de quoi ont besoin les résidents et leur famille ? À La Maison des Ombrages, c’est en équipe que l’on travaille sur la question.

Soutenir le travail des professionnels

Grâce à la formation continue, Ravia Jourde, directrice de l’établissement, a fait de l’accompagnement de la fin de vie l’une des priorités de formation des équipes : « Pour procurer aux personnes accueillies un accompagnement de qualité, les professionnels doivent être “outillés” et guidés dans leur démarche. Ils ont beau être tout à fait compétents dans leurs pratiques, sur des sujets aussi sensibles, il y a toujours des moments d’incertitude et de questionnements : “Comment trouver les mots justes pour rassurer, aider les enfants ou le mari de la personne mourante ? Comment les aider à laisser partir leur parent ? Comment trouver en moi-même la force pour accueillir l’inquiétude de la personne en fin de vie ?” Vingt personnes décèdent en moyenne par an dans l’établissement. Chaque situation est unique. Je considère qu’il est de ma responsabilité d’apporter toute l’aide dont les salariés peuvent avoir besoin pour exercer dans de bonnes conditions leur métier. »

Régulièrement, elle organise des sessions de formation réunissant des salariés aux profils divers : infirmières, AMP, ASL, animateur, personnel administratif, professeur APA… L’accompagnement de la fin de vie ne concerne pas seulement les soignants, mais toutes les personnes qui côtoient au quotidien les résidents et tissent des liens étroits avec eux. Ravia Jourde fait appel à une formatrice qui a elle-même été directrice d’EHPAD.

L’objectif de la formation est notamment d’aider les professionnels à comprendre les besoins des personnes en fin de vie et de leur famille, à apprendre à se positionner pour répondre à ces besoins, et aussi à développer un travail d’équipe concerté qui permettra un accompagnement plus efficient. Marie Maquaire, la formatrice spécialisée en communication relationnelle, explique : « Je m’appuie sur des exemples très concrets pour leur apporter des réponses adaptées. Mais avant tout, mon travail va être de les mettre en confiance et de les assurer de la confidentialité de tout ce qui va être dit durant la formation. Les salariés sont souvent démunis devant la question de la fin de vie. Pour certains, cela renvoie à des histoires personnelles douloureuses. Beaucoup arrivent à la formation sans en avoir fait la demande et s’interrogent sur la raison de leur présence. Mais une fois mis en confiance, les participants vont beaucoup se livrer. C’est le sujet qui veut ça : on va travailler en profondeur sur soi et échanger. D’ailleurs, cela va contribuer grandement à la cohésion d’équipe une fois de retour dans l’établissement. »

Apporter une écoute bienveillante aux familles, contribuer à libérer la parole

Les salariés apprennent notamment à adopter une posture « d’écoute bienveillante ». Marie Maquaire précise ce dont il s’agit : « Certaines personnes âgées vont exprimer au personnel leur souhait de mourir, car elles se sentent inutiles et gênantes ; des enfants vont se confier sur la relation difficile qu’ils ont avec leur parent et exprimer leur regret de voir mourir leur proche sans lui avoir dit je t’aime. Le premier réflexe va être de rassurer la personne : “Mais non, il ne faut pas dire cela, vous êtes bien ici, vous ne voulez pas nous quitter” ou “Mais non, votre maman vous aime”. Cela revient en quelque sorte à nier ce que ressentent ces personnes alors que ce dont elles ont besoin, c’est d’une écoute. Il faut reformuler : “c’est dur pour vous de voir que votre maman atteint le terme de sa vie et qu’elle ne vous demandera pas pardon, est-ce bien cela ?” En se sentant comprises, les personnes vont pouvoir alléger leur fardeau. Mettre des mots sur une souffrance, c’est s’en libérer un peu. On peut aussi aller plus loin et proposer aux familles de parler ensemble de ce qu’elles ressentent. »

Ravia Jourde confirme : les professionnels peuvent se positionner comme des « catalyseurs de relations apaisées ». La réconciliation familiale, la reconstruction des liens entre époux ou parents-enfants par exemple, aident le résident et ses proches dans leur recherche de sens. Le temps venu, cela facilitera le travail de deuil.

Préparer la fin de vie

Ravia Jourde est convaincue : « En maison de retraite, il faut saisir la chance que l’on a de se préparer à la séparation. La mort est inéluctable. Nous choisissons d’inciter les familles à en parler dès l’entrée en établissement. »

Le travail sur le projet de vie, qui intervient très rapidement après l’admission, en est l’occasion. En lien avec la psychologue, l’infirmière coordinatrice et un membre référent de l’équipe, sont par exemple abordées les questions relatives aux directives anticipées. Les professionnels prennent aussi le temps d’évoquer les aspects rituels entourant le décès : quand une personne âgée meurt, une affiche (une bougie dans des mains) est accrochée à sa porte pour informer les salariés et les autres résidents de sa disparition.

À l’accueil, est également posé un cadre avec sa photo, accompagné d’un livre d’or. Les messages seront compilés et envoyés avec une carte de condoléances à la famille. Il est important pour tous de pouvoir se recueillir et de dire au revoir. Ces discussions restent souvent difficiles pour les résidents et leurs proches, mais tous conviennent qu’il est indispensable d’en parler pour envisager cela le plus sereinement possible. En parallèle, la psychologue a mis en place un « café des proches », dont les membres se réunissent toutes les six semaines. Ces temps de rencontre sont l’opportunité de discuter de thèmes variés où les soins et la fin de vie sont récurrents.

Les équipes accordent aussi beaucoup du temps à la question lors des réunions de transmissions hebdomadaires. « Chaque situation peut nous amener à nous réinterroger sur nos pratiques, précise Ravia Jourde. Le bien-être des personnes que nous accueillons guide notre quotidien. Je pense que l’accompagnement de la fin de vie est l’une des parties les plus nobles de notre métier. Ce travail n’est pas assez mis en valeur alors qu’il est tout aussi important que celui qui consiste à aider à donner la vie. » En juin dernier, La Maison des Ombrages a reçu, lors des Trophées de la Santé, le prix de « la relation soignant-patient » récompensant la qualité de l’action menée par les équipes, notamment pour ce qui concerne l’accompagnement de la fin de vie.