- 03/12/2024
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- La vie dans les établissements Actualités institutionnelles
Hippocrate et Florence Nightingale
La 3e édition du séminaire des médecins coordonnateurs et cadres de santé a fait salle pleine à la Maison de l’Amérique Latine.
Ce séminaire devenu « un rituel Partage et Vie » permet de développer des liens entre les professionnels et de prendre un temps pour réfléchir aux pratiques, pour échanger sur les enjeux du soin, dans un quotidien très chargé.
Viser le zéro contention ?
Formulée sous la forme d’un objectif en apparence irréaliste, la 1ère séquence a approfondi un sujet complexe, tant pour les résidents que les soignants. Il a été rappelé les 3 principales situations de recours à la contention : la prévention des chutes, la gestion de la déambulation, et les troubles du comportement (agitation motrice et agressivité). Plusieurs études montrent que le recours à la contention physique, dite passive, est peu pertinente, peut susciter de l’anxiété et même aggraver les troubles. En médecine, elle est l’une des décisions les plus difficiles à prendre ; pour les équipes elle est facteur d’angoisse. Complexité supplémentaire, certaines familles expriment une exigence de sécurité et la demandent pour leurs proches.
L’UD2MS* préconise que la contention soit strictement réservée aux situations extrêmes, dès lors qu’aucune autre action n’est possible, donc en dernier recours, après l’échec des alternatives, et uniquement en cas de danger immédiat. La contention mobilière (barrière de lit, fauteuil coquille) est à utiliser avec parcimonie. Les contentions architecturale ou technologique sont plus respectueuses des personnes. Dans tous les cas, dès lors que la contention demeure le seul recours, il a été rappelé la nécessité d’appliquer strictement les 12 critères établis par l’ANAES dans son référentiel 2001.
Hypersexualité : non pas traiter le trouble, mais identifier et traiter la ou les causes.
La 2è séquence du séminaire a traité de la gestion médico soignante des troubles de la sexualité, en abordant le sujet à partir de la présentation de 2 situations concrètes. Une analyse approfondie est nécessaire pour rechercher les meilleurs moyens qui permettent de faire face à ce type de troubles : observation précise des comportements en équipe, pour partager les points de vue ; analyse sémiologique et clinique minutieuse, recherche des facteurs dans le contexte du résident (histoire de vie, médicaments pris…) ; établissement du diagnostic étiologique, évaluation des risques en utilisant par exemple l’échelle SASBA (St Andrew Sexual Behaviour Assessment).
Les approches non médicamenteuses (éviction ; sectorisation Hommes / Femmes ; empêchement matériel ; dérivation ou distraction) et surtout la prise en charge pharmacologique la plus appropriée à l’étiologie font partie des moyens pour les équipes pour faire face à l’hypersexualité.
Une table ronde sur les soins palliatifs et la fin de vie
Dr Elisabeth Hubert, Dr Bruno Dallaporta, et Dr Faroudja Hocini ont exprimé leur point de vue personnel, nourri de leur expérience de médecin, de leurs lectures (y compris philosophiques), et de leurs réflexions éthiques. Ils se rejoignent sur le rôle de la loi et sur l’attention à porter aux plus vulnérables. Le débat était animé par Pr Claude Jeandel.
Dr Elisabeth Hubert : « J’ai une vision classique de la Loi : son rôle est de protéger le plus grand nombre, pas de traiter des cas particuliers. Les textes actuels, et en particulier la Loi Léonetti de 2005, apportent des solutions, s’ils étaient réellement appliqués. La question est : pourquoi cela n’a pas marché ? Le sujet est resté longtemps méconnu, les professionnels de santé ne se sont pas assez formés, et le grand public l’a largement ignoré. Notre rôle de soignants est : informer, informer, informer. Et il faut attirer l’attention sur les plus vulnérables ».
La présidente de la Fnehad et Pr Claude Jeandel ont par ailleurs rappelé la place de l’Hospitalisation À DomicileHAD dans le déploiement des soins palliatifs au sein des Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées DépendantesEHPAD.
Dr Bruno Dallaporta : « Dans mon service de néphrologie, sur 200 décès, nous avons observé qu’il n’y a que 1% de demandes fermes de mort, dont la moitié est liée à des souffrances mal soignées. Les débats sur la fin de vie ont un effet de loupe sur quelques cas très médiatisés. Il y a en réalité deux grandes questions : 1-peut-on faire tomber l’interdit de la mort ? et 2-peut-on légiférer l’exception ?
La loi de 2005 est une très grande loi. Elle distingue 2 paliers, classés en 5 niveaux qui sont différents d’un point de vue éthique : le 1er palier comprend l’abstention, puis l’antalgie, puis l’arrêt du traitement ; le 2è palier est celui du suicide assisté et de l’euthanasie. La loi de 2005 respecte parfaitement cette différence éthique ».
Dr Faroudja Hocini : « L’enjeu n’est pas l’individuel mais le collectif ; l’enjeu n’est pas le court terme mais le long terme. Quand on lève l’interdit de donner la mort, la porte s’ouvre grand. C’est une question de société. Il faut élargir la vision et il faut prendre en compte les plus vulnérables. Notre pratique de médecins montre qu’aucun protocole ne garantit que le souhait de mort est ferme. Il faut maintenir un interdit ferme car cela incite à être créatif, à trouver des solutions, à trouver de nouvelles formes de soin ».
*U2DMS : union des directeurs médicaux et directeurs des soins des établissements médico-sociaux