Elles s’occupent de leurs proches âgés, en situation de handicap, parfois dans les deux situations, et ce sans rien attendre en retour, parce que « c’est normal » nous disent-elles, « c’est naturel de s’occuper de ceux qu’on aime » et ce, même si leur vie en est profondément transformée.
Au travers de différents témoignages, les situations très différents de ces aidants, montrent des similitudes.
Que l’on soit l’aidant d’un parent âgé et dépendant, celui d’une épouse jeune et malade ou encore que l’on soit soi-même d’un certain âge et que l’on accompagne un époux que la maladie a touché plus durement, les sentiments et les besoins d’accompagnement sont souvent les mêmes.
Aux difficultés émotionnelles naturelles, « car on est tous humains et on a tous un point de saturation », viennent par s’ajouter les difficultés extérieures. Comment trouver un logement pour la personne aidée qui peut encore vivre seule ? Sur qui s’appuyer pour savoir comment déplacer une personne handicapée d’un fauteuil à un lit ? Quelles options juridiques sont disponible ? Quels organismes existent et peuvent vous aider ?
« Le rôle d’aidant vous tombe dessus du jour au lendemain et on n’est pas prêt. Personne ne pense qu’il deviendra aidant et encore moins aidé. Alors on doit apprendre par soi-même comment trouver des solutions. » Jean-Michel
Découvrez les témoignages généreusement été partagés avec nous de personnes accompagnées par quelques-uns des services de la Fondation, dédiés aux aidants : Ciel Bleu à Montpellier, La Plateforme d’accompagnement et de répit des aidants du Douaisis à Douai et l’Ehpad Les Grands Chênes à Joué-les-Tours qui propose un Café des Aidants mensuel.
Accompagner ses parents
"Je partage mon expérience en tant qu'aidant de mes parents, qui sont tous deux confrontés à des problèmes cognitifs. Croyez-moi, c'est une situation complexe. Mes parents n'avaient absolument rien mis en place pour leur prise en charge quand ils étaient en pleine possession de leurs moyens. En tant qu'aînée de mes trois sœurs, je me suis retrouvée à devoir jongler avec l'administratif, à planifier les rendez-vous médicaux, et à coordonner les intervenants à domicile. Et croyez-moi, ce n'est pas que de la paperasse. Cela demande aussi une organisation complexe.
En plus de tout ça, la communication avec l'une de mes sœurs est assez compliquée, ce qui ajoute énormément à mon stress. Et la vie quotidienne, c'est tout un défi, mes parents oublient beaucoup de choses et il faut sans cesse tout répéter, c’est épuisant à force.
En plus de ça, il faut gérer les personnes qui interviennent au quotidien, dont la rotation fréquente, signifie qu'on doit constamment réexpliquer les détails spécifiques de la prise en charge de mes parents. Et laissez-moi vous dire que tant que les intervenants ne restent pas en place de manière stable, la charge de travail retombe inévitablement sur les épaules des aidants familiaux, comme moi. En plus de tout ça, la gestion des rendez-vous médicaux a également atterri sur mon bureau, car je suis la seule à être à la retraite, pendant que mes deux sœurs sont encore en activité. Croyez-moi, c'est tout un défi, mais on fait de notre mieux pour que nos parents reçoivent les soins dont ils ont besoin.
Je tiens à partager mon expérience très positive avec la structure Ciel Bleu, qui m'a apporté un soutien inestimable dans ma vie d'aidante. Tout a commencé lorsqu’un médecin gériatre a recommandé Ciel Bleu lors de la visite de ma mère dans centre hospitalier de la région.
Ciel Bleu offre une multitude d'ateliers et d'activités qui m'ont permis de prendre du temps pour moi. Imaginez, des ateliers de qigong, de lithothérapie, de composition florale, et même des séances individuelles de réflexologie et de coaching. Ces activités ont été une véritable bouffée d'air frais dans ma vie, me permettant de retrouver de la sérénité et de m'échapper de la charge mentale constante liée à l'aide à mes parents.
Bien sûr, ces activités sont planifiées à des moments précis, généralement les vendredis. Mais je sais que tout le monde ne peut pas toujours y participer en raison des contraintes liées à la prise en charge de leurs proches. Cependant, je tiens à insister sur l'importance de ces moments pour moi et pour d'autres aidants. Cela nous permet de nous sentir moins seuls, de prendre soin de nous-mêmes, et de recharger nos batteries.
Ce qui a également fait toute la différence, c'est l'accompagnement individuel que j'ai reçu de la part de Ciel Bleu. Cela m'a donné l'opportunité de parler de mes difficultés les plus profondes, d'évacuer mes émotions, et de trouver un réel soulagement. Parfois, partager ces expériences avec d'autres aidants peut être difficile, car chacun a sa propre charge à gérer. Mais grâce à Ciel Bleu, je me sens entourée, comprise, et moins seule dans cette situation. C'est une véritable bouée de sauvetage pour tous ceux qui traversent cette épreuve."
Marie-Pierre
Époux et aidant
"J'ai accompagné mon épouse pendant une décennie alors qu'elle luttait contre une maladie neurologique rare et orpheline. Au début, la maladie n'était qu'un petit nuage à l'horizon, mais peu à peu, elle a obscurci nos vies.
Au départ, j'essayais de jongler entre mon travail et le soutien à ma femme. Je préparais les repas, faisais des tâches en avance pour faciliter son quotidien. Mais à mesure que la maladie progressait, les choses sont devenues plus complexes. Le diagnostic a été posé, et les soins mensuels sont devenus une norme, nécessitant mon accompagnement constant.
L'accompagnement de ma femme est devenu ma priorité absolue. Cela a eu un impact sur mon travail, mes horaires, et mes congés. À un moment donné, j'étais épuisé, mais je ne m'en rendais même pas compte. Les médecins ont été les premiers à me dire que je devais penser à moi et à ma propre santé.
C'est à ce moment-là que j'ai commencé à demander de l'aide via la Maison Départementale des Personnes Handicapées (Maison Départementale des Personnes HandicapéesMDPH). Au début, cette aide visait principalement à ce que ma femme ne soit jamais seule, ce qui m'a permis de continuer à travailler grâce au télétravail. Mais, soyons honnêtes, cela a été une période très difficile.
La maladie a apporté de nombreux changements dans notre vie quotidienne. Du déambulateur au fauteuil roulant, du fauteuil roulant au lit médicalisé, nous avons dû apprendre à faire face à de nouveaux défis. Heureusement, j'ai pu compter sur l'aide d'une association, qui m'a fourni les conseils essentiels d’un ergothérapeute pour effectuer ces tâches en toute sécurité.
La sécurité physique était une préoccupation majeure. J'avais peur de me faire mal en la déplaçant, et elle avait besoin de se sentir en sécurité. C'est pourquoi j'ai trouvé précieuses les leçons de l'ergothérapeute pour éviter les blessures.
Quand les médecins m'ont recommandé de prendre soin de moi, ce n'était pas une démarche facile. J'étais presque obsédé par l'idée de rester constamment à ses côtés. Mais doucement, l'idée de prendre des pauses a commencé à faire son chemin, surtout lorsque des professionnels de la santé ont proposé de prendre en charge ma femme temporairement pour me soulager. Au début, j'ai hésité, mais après quelques mois, j'ai accepté, comprenant que cela était nécessaire.
Pendant ces années, j'ai également découvert la Plateforme d'accompagnement et de répit du Douaisis, recommandée par les médecins du CHU. Cela m'a permis de prendre des moments pour moi, tout en sachant que ma femme était entre de bonnes mains, puisqu’elle y était accueillie durant mes activités. Ces moments de répit m'ont aidé à me détendre, à me ressourcer, et à prendre soin de ma santé physique et mentale.
Après le décès de ma femme, ma vie a pris un nouveau tournant. Je suis toujours suivi par la plateforme, où j'ai trouvé un soutien précieux. La reprise de la vie sociale est progressive, mais nécessaire. J'ai fini par rejoindre un club de marche pour maintenir ma forme physique et rencontrer de nouvelles personnes, mais cela m’a pris énormément de temps avant de me dire que j’avais le droit de reprendre une vie. Cela m'a également aidé à reprendre des activités que j'avais négligées pendant des années.
Je tiens à souligner l'importance de prendre soin de sa santé physique en tant qu'aidant, car cela peut avoir un impact majeur sur notre capacité à fournir une aide efficace. On ne nous informe pas suffisamment sur les efforts physiques qui peuvent être nécessaires pour s’occuper de quelqu’un qui n’est plus autonome, et sur le fait qu’avoir une bonne condition physique est cruciale. Les cours de streching postural, de yoga et les conseils de la plateforme ont été essentiels à ce niveau-là. Prendre du temps pour soi n'est pas un signe d'égoïsme, mais plutôt une nécessité pour être en mesure de prendre soin de nos proches.
En fin de compte, l'expérience d'aidant a été une période de défis et d'apprentissage, mais elle m'a également permis de développer un réseau de soutien précieux et de comprendre l'importance de maintenir un équilibre entre le rôle d'aidant et la préservation de sa propre santé et bien-être."
Didier
60 ans d’épouse, 6 ans d’aidante
"Je vais vous expliquer un peu mon cas. J'ai 84 ans, et je suis mariée depuis 60 ans à mon époux. Moi, je suis née en 1939, tandis que mon mari est né en 1937. Nous avons tous les deux poursuivi des études supérieures, et c'est à la fac de droit que nous nous sommes rencontrés. Nous sommes tous deux juristes de formation. Mon mari avait un travail qui lui plaisait énormément, et il avait l'habitude de dire qu'il n'avait jamais vraiment travaillé.
En 2018, à la suite d'une anesthésie, il a commencé à montrer des signes d'incohérence. Il est devenu agressif, et ces comportements agressifs ont perduré lors de son hospitalisation. C'était surprenant car il était naturellement courtois et paisible. Nous n'étions pas habitués à ce genre de comportement. Il a connu une véritable crise, pour ainsi dire. A l'hôpital, on m'a demandé si je souhaitais le faire suivre en gériatrie, ce à quoi j'ai consenti. Mon mari était lui-même d'accord, car il avait conscience que quelque chose n'allait pas.
C'est alors qu'on a diagnostiqué une maladie à corps de Lewy, une pathologie neurodégénérative qui associe des caractéristiques de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson, bien que ce ne soit pas exactement Parkinson. Il présentait des symptômes similaires à ceux de Parkinson, avec des moments de blocage et des chutes. En outre, cette maladie provoque des hallucinations. Heureusement, les hallucinations qu'il avait étaient relativement bénignes, et il voyait généralement des images de ses petits-enfants.
J'ai pris soin de lui à domicile pendant six ans, mais sa condition s'est détériorée au point qu'il faisait régulièrement des chutes graves, se fracturant le crâne et subissant des fractures vertébrales. Il a même eu la clavicule cassée lors de ces chutes. À un certain point, je ne pouvais plus le relever seul après une chute. Les professionnels de la santé m'ont conseillé de le placer en maison de retraite médicalisée (Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées DépendantesEHPAD). Depuis six mois, c'est là où mon mari réside.
J’ai découvert la Plateforme d'Accompagnement des Aidants du Douaisis par le biais d'une amie qui en avait entendu parler. Elle m'a recommandé de m'y rendre, ce que j'ai fait presque trois ans avant que mon mari ne soit placé en Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées DépendantesEHPAD.
Là-bas, j'ai trouvé un soutien précieux. La Plateforme propose une variété d'activités et d'informations pour les aidants. Lorsqu'on arrive, on est chaleureusement accueillis par le personnel permanent qui nous offre même un café. Avant de participer à une activité, ils encouragent à arriver un peu en avance pour discuter entre aidants ou avec le personnel. Cette attention à l'accueil est très appréciable. Ensuite, la Plateforme propose divers types d'activités, que l'on peut consulter dans leur programme mensuel.
Il y a notamment des activités d'information. Par exemple, ce mois-ci, une personne est venue nous parler des mesures de protection légales, comme l'habilitation familiale, la tutelle, ou la curatelle. Cela a été très instructif. De plus, la Plateforme organise des activités de soutien, telles que la sophrologie et le yoga, qui sont bénéfiques pour les aidants. Il existe aussi des loisirs que l'on peut partager avec la personne que l'on aide, comme la gymnastique ou des sorties au cinéma. Les aidants s'inscrivent en fonction de leurs préférences.
Ce que j'ai trouvé particulièrement précieux, c'est l'information fournie par le personnel de la Plateforme. Ils m'ont renseignée sur l'habilitation familiale, un processus juridique nécessaire lorsque l'être cher que l'on aide perd sa capacité mentale. Grâce à eux, j'ai pu constituer un dossier d'habilitation familiale, qui a impliqué une expertise médicale pour évaluer le degré de dépendance de mon mari. Ensuite, nous sommes passés devant un juge, et grâce à cette habilitation, j'ai été en mesure de prendre des décisions à la fois sur son patrimoine et sur sa personne.
En somme, la Plateforme d'Accompagnement des Aidants du Douaisis m'a apporté un soutien considérable. J'y ai trouvé de l'information, de l'écoute, et des moyens pratiques pour faire face à ma situation d'aidante. Ils proposent même du répit à domicile, où une personne de la Plateforme peut venir prendre soin de la personne que l'on aide pendant quelques heures, ce qui est très utile. Je suis reconnaissante pour tout le soutien que j'ai reçu de la Plateforme, et je n'hésite pas à la recommander à d'autres aidants qui pourraient ne pas encore être au courant de son existence. C'est une ressource précieuse pour ceux qui se trouvent dans des situations similaires à la mienne."
Nicole
Prendre soin d’un parent qui refuse le soin
"J’ai 58, je suis encore en activité et je suis l’aidant principal de ma mère qui est âgée de 86 ans. Ma mère souffre de troubles mentaux, de comportement, et de problèmes de santé, ce qui rend la situation incroyablement difficile. Le défi majeur auquel je suis confrontée, c'est que ma mère refuse systématiquement l'accompagnement et les soins proposés par les professionnels de la santé, malgré les nombreux efforts que j'ai déployés pour lui venir en aide. J'ai essayé plusieurs associations d'intervention à domicile, mais toutes ont échoué, car ma mère refuse catégoriquement toute forme d'aide. J'ai fini par embaucher une intervenante à domicile, mais elle non plus, n’a pas tenu.
Ma mère se trouve dans une situation ambivalente. Elle refuse tout, tout en ayant besoin de tout. Aujourd’hui, après un infarctus, elle refuse les soins, une éventuelle opération, car elle est fatiguée de vivre mais paradoxalement elle s’accroche et craint de mourir. Cette dualité crée un dilemme difficile à gérer pour moi. J'estime que le refus de ma mère est en partie lié à son caractère difficile, bien que cela puisse aussi être lié à des problèmes de santé mentale. Elle vit seule, elle refuse le lien social en déclinant les sorties et les activités proposées. Elle s'est désocialisée et se replie de plus en plus sur elle-même.
Nous pourrions, mon frère et moi, décider d’une mise sous tutelle, mais nous ne nous sentons pas encore capables de prendre une décision à ce sujet. Nous voulons continuer à accompagner notre mère autant que possible, même si cela s'avère extrêmement difficile.
Tout cela a un impact émotionnel et mental considérable sur nous. Nous sommes constamment en équilibre entre nos responsabilités professionnelles et notre rôle d'aidants. Nous devons faire face à un dilemme perpétuel pour trouver la meilleure manière d'aider notre mère tout en préservant notre propre bien-être. J'ai cherché du soutien auprès du Café des aidants et bénéficié d'un accompagnement psychologique. Je trouve que ces ressources sont essentielles pour les aidants, même si la situation reste complexe.
En fin de compte, je tiens à partager mon désarroi face à la complexité de la prise en charge des personnes âgées qui refusent l'aide tout en en ayant besoin. Je crois que le système de soins en France manque de ressources et de solutions pour les aidants confrontés à de telles situations.
C’est pour cela que je souhaite partager mon témoignage, pour sensibiliser aux défis complexes auxquels les aidants peuvent être confrontés lorsqu'ils s'occupent de personnes âgées ayant des besoins particuliers, et aux lacunes de notre société à ce sujet. Il n’y a pas assez d’informations ni de visibilité de ces problématiques. "
Anne-Béatrice