• 01/11/2019
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  • La vie dans les établissements

L’éducation thérapeutique du patient : la prise en charge de l’obésité

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Deuxième volet de notre série consacrée aux programmes d’éducation thérapeutique dans nos établissements sanitaires : après la « lombalgie chronique », focus sur l’action menée par le CSSR La Valériane en Martinique.

Le CSSR La Valériane a fait le choix de l’éducation thérapeutique pour accompagner certains de ses patients.

« On ne le dit pas assez, mais l’obésité est une maladie chronique, explique Manuelle Vestris, cadre de santé, coordinatrice des programmes d’ETP développés au centre. Elle peut avoir des répercussions importantes sur la qualité de vie (diabète, maladies cardiovasculaires, arthrose…). Sa prise en charge repose sur une modification profonde des comportements alimentaires et des habitudes de vie. En accordant une place prépondérante au patient en tant qu’acteur de sa santé1, l’ETP constitue une méthode parfaitement appropriée pour soigner les personnes souffrant de cette pathologie. Nous avons donc développé des programmes pour les adultes et également pour les enfants. » Le CSSR La Valériane est un établissement sanitaire spécialisé dans trois secteurs : les soins nutritionnels et métaboliques pour adultes, adolescents et enfants ; les soins de suite polyvalents ; les soins de suite à orientation psychiatrique. L’activité soins de suite nutritionnels et métaboliques répond à une priorité de santé publique dans la région. Alors que la moyenne nationale est de 15 % d’adultes obèses, elle est de 27 % en Martinique. Par ailleurs, près de 35 % des enfants âgés de 5 à 14 ans sont en surpoids et l’obésité concerne presque un enfant sur dix.2 Les chiffres sont en constante augmentation depuis 15 ans. Régularité et assiduité, les clés de la réussite Deux programmes pour adultes sont proposés. Le premier est réservé aux personnes qui ont besoin de suivre une éducation nutritionnelle pour des raisons de surpoids, d’obésité (avec ou sans complications) ou de diabète. Le second accueille les personnes sortant de chirurgie bariatrique (sleeve-gastrectomie, by-pass…). Chaque programme présente un volet d’initiation en hospitalisation complète et un volet de consolidation en hôpital de jour. Le volet d’initiation dure 21 jours. Un bilan médical, physique, psychologique et diététique est effectué par une équipe pluridisciplinaire à l’entrée du patient. Le programme éducatif proposé est très complet. Des ateliers sur les groupes d’aliments, l’élaboration des menus, la gestion du grignotage ainsi que des cours de cuisine sont animés par la diététicienne. La psychologue propose des groupes de parole, des ateliers de bien-être et d’affirmation de soi. Un professeur de yoga intervient sur des ateliers de respiration abdominale dans le cadre de la gestion du stress. Une aide-soignante forme les patients à l’automassage. Un atelier de coaching « défi santé » est assuré par la pharmacienne de l’établissement qui est aussi professeur de PNL… Les patients apprennent également à reprendre une activité physique sportive régulière. Tous les ateliers ont lieu en groupe, ce qui constitue un facteur de motivation important. Ensuite, les patients se voient proposer d’intégrer un volet dit de consolidation. « Celui-ci n’est pas obligatoire, précise Manuelle Vestris. Mais la vraie difficulté des personnes souffrant d’obésité, c’est de continuer à appliquer chez elles, les bonnes pratiques acquises lors de séjour en hospitalisation complète. Sans une aide extérieure, ça reste très difficile d’y parvenir. Le volet de consolidation se déploie sur 12 mois, à raison d’une séance de 5 heures par mois durant laquelle les personnes bénéficient de consultations individuelles, d’ateliers d’éducation complémentaires, d’un suivi de l’évolution du poids et des mesures anthropométriques… La régularité et l’assiduité sont les clés de la réussite du programme. Nous mettons tout en œuvre pour que les patients tiennent le rythme d’une visite mensuelle. Et c’est loin d’être gagné. Le quotidien reprend vite ses droits : on manque un rendez-vous puis le suivant, la démotivation guette. Quand un patient ne vient pas à sa séance, notre secrétaire médicale, elle aussi formée à l’ETP, l’appelle pour en comprendre les raisons, le remotiver, trouver avec lui les solutions pour poursuivre le programme. Elle va même jusqu’à essayer d’organiser du covoiturage pour faciliter les déplacements des patients qui rencontrent des problèmes à ce niveau-là. » « J’ai compris que si je ne faisais pas ça pour moi, personne ne le ferait » On estime à 60 % le taux de réussite de ces programme pour adultes, ce qui est satisfaisant et au-delà des résultats que les patients obtiendraient seuls en faisant un régime. Manuelle Vestris explique que tout est histoire de déclic : « À leur arrivée, les patients sont très axés sur les chiffres et demandent combien de kilos ils vont perdre. Mais au fil des jours, ils comprennent que c’est d’hygiène de vie qu’il s’agit. On leur apprend à prendre soin d’eux et ils ressentent très vite les bienfaits de la reprise d’une activité physique et d’une alimentation équilibrée. Nombreux sont ceux qui me disent se sentir mieux dans leur corps et dans leur tête dès la première semaine de programme. C’est une première victoire. » Mme Sylvie Jocelyne qui a participé au programme pour des raisons de diabète témoigne : « Je suis arrivée au centre sans grande conviction. J’étais notamment très réfractaire à l’idée de reprendre le sport. Mais aujourd’hui, je ne pourrais plus m’en passer. J’ai fini par comprendre que si je ne faisais pas cela pour moi, personne ne le ferait. Les équipes sont formidables, à l’écoute. On ne nous force à rien. On nous apprend à voir les choses autrement. Et ça marche : j’ai perdu mes mauvaises habitudes. Mon taux glycémique, très haut il y a un an, est en train de revenir à la normale. Aujourd’hui, je suis les réunions mensuelles qui m’apportent beaucoup. J’ai connu récemment quelques difficultés personnelles et l’on m’a aidée à réajuster mon programme pour ne pas abandonner. J’ai trouvé à La Valériane tout ce dont j’avais besoin. » Une équipe soudée autour du patient Le CSSR La Valériane a fait le choix de former un grand nombre de ses salariés à l’ETP. Manuelle Vestris explique : « Nous partons du principe que tous les collaborateurs ont un rôle à jouer dans le programme : médecins, diététiciens, psychologues, éducateurs en APA, infirmiers, cadre de santé, mais aussi secrétaire, podologue, kinésithérapeute, aides-soignants… L’éducation thérapeutique ne s’arrête pas à la porte des ateliers. Elle est l’affaire de tous, au quotidien. Les patients doivent pouvoir bénéficier de la même qualité de prise en charge, quelle que soit la personne à laquelle ils s’adressent. C’est cette approche interdisciplinaire qui fait la force du programme. L’un de mes challenges, en tant que coordinatrice, est de décloisonner les pratiques et de veiller à préserver cette dynamique commune de travail au service du patient. » Contact : Manuelle Vestris, cadre de santé, coordinatrice des programmes d’éducation thérapeutique au CSSR La Valériane 1 Voir les principes de l’ETP dans l’article consacré au programme du CRRF André Lalande de Noth, paru dans la newsletter de septembre 2018 en cliquant ici. 2 Sources : Rapport Kannari réalisée en 2013, rapport DRESS 2017 « L’état de santé de la population en France ».