La Fondation donne une place importante à la réflexion éthique, dans le but d’améliorer l’accompagnement des personnes fragiles. Le thème choisi pour 2025 : l’entrée en EHPAD, comment s’adapter au changement de vie ?
L’éthique, en philosophie, est définie comme le « souci des autres ». Ensemble, pas à pas, les équipes Partage et Vie, cherchent à comment faire mieux, à trouver des solutions pratiques pour agir dans le respect des personnes, de leur dignité et leur singularité. L’objectif est de créer un « climat éthique » propice aux questionnements et aux échanges pluridisciplinaires, indispensables dans l’accompagnement de la personne en état de dépendance.
Un apprivoisement du nouveau lieu de vie
Le thème 2025 est riche de questionnements qui se posent chaque jour sur le terrain. A la suite de quelles circonstances entre-t-on en Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées DépendantesEHPAD ? Avec quelles informations et quelles impréparations ? Quelles initiatives prendre pour mieux vivre ce tournant de vie, comment aider celles et ceux qui le vivent difficilement ? L’anxiété des familles est-elle prises en compte ? Comment se déroule, si c’est le cas, la « normalisation » d’une situation d’abord difficile à vivre ? Peut-on parler d’adaptation « réussie » ? Avec quels indicateurs ? Est-ce le résident et sa famille qui s’adaptent à l’établissement, ou l’inverse ? Les deux ?
Malgré tous les efforts déployés par de nombreux établissements, l’entrée dans un Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées DépendantesEHPAD demeure un moment difficile, voire un traumatisme, pour beaucoup de personnes âgées, et pour leurs proches.
Roger-Pol Droit, conseiller éthique de Partage et Vie : « L’adaptation à ce changement peut être facilitée par une meilleure information, par un temps de préparation plus approprié, une « dédramatisation », un apprivoisement du nouveau lieu de vie. Pour cela, la clarification apportée par une réflexion éthique est indispensable ».
Ethique et philosophie
Les différents questionnements portent principalement sur la liberté de décision des personnes entrant en Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées DépendantesEHPAD, la nature et les circonstances de leur consentement, les informations présidant à leur choix, et pour ceux d’entre eux conscients du changement – car ceux qui souffrent de troubles neuro-cognitifs en ont une conscience altérée - les aspects psychologiques majeurs que revêt pour chacun ce tournant de l’existence : culpabilité, nostalgie, nouveaux liens à tisser, etc...
En relation étroite avec ces interrogations, des questions philosophiques sont à évoquer. Elles n’ont pas besoin d’avoir été traitées et résolues - si cela est faisable - pour proposer des solutions éthiques. Mais il est utile de les évoquer, dans la mesure où les options philosophiques peuvent avoir un impact sur les perspectives éthiques à privilégier.
- L’identité du sujet et son évolution dans le temps. Un sujet est-il le même aux différents âges de sa vie ? Dans quelle mesure ses mutations permettent-elles de parler, malgré tout, d’une seule et même personne à différents moments ? Y a-t-il des signes de persistance d’une seule et même personne à travers des changements d’apparence et de comportement ? Si oui, lesquels ? Dans quelles mesure ces interrogations peuvent-elles permettre d’examiner des jugements du genre « ce n’est plus la personne que j’ai connue » ou « je ne la reconnais plus » ?
- La continuité du sujet ou sa discontinuité. La permanence d’un noyau de conscience, de mémoire et de désir qui constitue un « sujet humain » semble en Occident une évidence. On oublie que cette représentation s’est constituée progressivement, à travers un long processus historique, et qu’elle ne constitue pas une donnée incontestable. En se tournant vers d’autres cultures, on constate que des représentations différentes ont été élaborées, dans lesquelles ce sujet singulier est illusoire (systèmes philosophiques liés au brahmanisme) ou inexistant (systèmes philosophiques liés au bouddhisme). Les questions à propos d’une personne, de son identité, de la continuité de sa biographie, de son caractère, de sa présence au monde, ne sont pas tranchées une fois pour toutes. Y penser n’est pas inutile.
Une enquête, des ateliers, des Estivales et un ouvrage
Chaque année, la démarche éthique est lancée par une enquête auprès du réseau Partage et Vie. Elle permet de recueillir des témoignages, des situations concrètes, des interrogations non résolues et des solutions essayées.
Les résultats de l’enquête vont nourrir des ateliers organisés dans plusieurs établissements. Réunissant à chaque fois une quinzaine de professionnels et animés par le philosophe Roger-Pol Droit, ils permettent d’approfondir des sujets en lien avec le thème de l’année.
>>> Enfin, un ouvrage rassemblant les différentes contributions est publié en novembre aux éditions PUF dans la collection « Bibliothèque Partage et Vie ».