• 01/04/2018
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Patience et longueur de temps…ou comment adapter la technologie aux capacités des résidents

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La MAS Le Havre de Galadriel prend en charge des personnes victimes de cérébrolésions. Certains résidents arrivent dans l’établissement privés de leurs capacités à se mouvoir et à parler. Commence alors le long travail de rééducation pour leur permettre de récupérer le plus d’autonomie possible.

C’est une équipe pluridisciplinaire qui accompagne les personnes dans leur parcours vers plus d’autonomie. Parmi les professionnels mobilisés, les personnels paramédicaux (kinésithérapeute, psychomotricien, ergothérapeute, orthophoniste…) ont un rôle important : ils favorisent la récupération physique du résident ; ils s’appliquent également à adapter l’environnement et le matériel mis à sa disposition pour le faire gagner en autonomie. Ils travaillent ainsi sur la récupération des capacités perdues et sur l'apprentissage de nouvelles manières de fonctionner afin de compenser les capacités altérées.

Catherine D. est arrivée à la MAS en février 2016 à la suite d’une tumeur au niveau du tronc cérébral ayant entraîné un état proche de celui observé dans les cas de « locked-in syndrome ». Elle a conservé ses facultés intellectuelles mais se trouve enfermée à l’intérieur de son corps, ayant besoin d’une assistance constante dans tous les actes de la vie quotidienne.

L’un des premiers objectifs a été de trouver un système lui permettant d’appeler les soignants, jour et nuit. Catherine n’ayant pas la force suffisante pour actionner la sonnette standard, il a fallu utiliser un contacteur plus sensible relié à une téléthèse. La MAS est entièrement domotisée, ce qui rend possible le recours à cette technicité. Charlotte Regost, ergothérapeute, explique : « Plusieurs types de contacteurs et de fixations ont été essayés pour voir ce qui convenait le mieux. En effet, à cette époque, les capacités physiques de Catherine ne lui permettaient d’utiliser un contacteur que s’il se trouvait sous son index. Une contrainte de poids, car des mouvements involontaires pouvaient décaler son doigt, rendant inopérant le système. De plus, Catherine supportait mal d’avoir la main continuellement immobilisée. La solution ne demeurait donc pas efficiente à 100%. Son mari et elle ont alors eu l’idée de tenter d’utiliser sa capacité à mobiliser sa cheville droite. J’ai donc installé, après plusieurs prototypes et essais, un contacteur sur une botte anti-équin qu’elle pouvait actionner quand elle était au lit, puis un autre sur le cale-pied de son fauteuil roulant. Nous avions enfin trouvé un système permettant à Catherine d’utiliser des contacteurs de façon fiable. Ce fut l’un des premiers pas vers plus de confort et d’autonomie. »

En effet une fois l’installation rendue efficiente, il a été possible de relier les contacteurs à une téléthèse plus perfectionnée avec écran numérique qui lui a permis de contrôler sa télévision, les volets, l’éclairage, la porte de sa chambre… Parmi les autres priorités que s’était fixé l’équipe pluridisciplinaire, celle de permettre à Catherine de communiquer plus facilement. À son arrivée, elle était en mesure de répondre « oui » ou « non », par un mouvement de tête, à des questions fermées, ou de valider des lettres dictées par des tiers afin de s’exprimer.

En premier lieu, une fiche de communication a été créée en lien avec l’orthophoniste. Elle regroupait les demandes courantes telles que « écouter de la musique », « être installée dans son fauteuil », « sortir sur la terrasse », etc. Catherine a choisi elle-même les informations qu’elle souhaitait voir apparaître sur cette fiche. Cet outil lui permettant d’exprimer facilement ses besoins a été très vite adopté par les membres du personnel. Ensuite, différentes tablettes numériques ont été essayées. Là encore, les difficultés motrices de Catherine ont conduit l’ergothérapeute à beaucoup réfléchir sur le matériel le plus adéquat.

Dans un premier temps, Catherine a pu contrôler la tablette avec des contacteurs oculaires. Mais les résultats n’étaient pas optimaux, car cette technicité demande des ajustements fréquents. Quand, grâce au travail de rééducation physique mené par les équipes, Catherine a pu récupérer la mobilité des doigts, du coude et du poignet, d’autres modes de contrôle ont été expérimentés : commande par contacteurs manuels, adjonction d’un support de bras ergonomique, essais d’un trackball, d’un joystick, d’une souris standard, d’un écran tactile, d’un clavier adapté… Il a fallu multiplier les essais pour trouver le matériel avec lequel elle serait le plus à l’aise.

La route est encore longue, mais les progrès et les gains en confort sont réels. Catherine aspire également, depuis son arrivée à la MAS, à pouvoir rentrer chez elle ponctuellement. Ce projet revêt une importance particulière à ses yeux. Un escalier tournant à l’entrée de son domicile rendant l’installation d’une rampe d’accès classique impossible, différents modèles de monte-escaliers ont été testés par l’ergotherapeute jusqu’à trouver le plus adapté. Celui-ci a été livré il y a quelques semaines et elle va pouvoir enfin passer des après-midi chez elle de temps en temps.

Selon Charlotte Regost, la réussite de ce type d’accompagnement est le fruit d’une collaboration étroite avec le résident et d’une attention constante : « Catherine et son mari sont très partie prenante de notre travail. Nous réfléchissons ensemble à des solutions. Les adaptations que nous réalisons ne sont pas évidentes. Elles nécessitent du matériel spécifique que nous n’avons pas toujours immédiatement à disposition. Et puis, elles prennent du temps : entre chaque essai, nous faisons des réglages techniques, adaptons les logiciels, affinons les paramétrages, procédons à des améliorations pour que les solutions soient les plus efficientes possible. Enfin, ces adaptations sont amenées à évoluer dans le temps avec les progrès que les résidents font au niveau moteur. Le suivi que nous effectuons est donc permanent. »

L’une des prochaines étapes pour Catherine est de pouvoir communiquer de nouveau par mail avec ses filles. En effet, elle a un petit-fils et aimerait pouvoir le voir grandir, prendre de ses nouvelles régulièrement, recevoir des photos. Elle est donc impatiente de pouvoir s’y remettre. Si auparavant elle était allergique aux nouvelles technologies, elle explique qu’aujourd’hui, celles-ci font partie de son quotidien : « Elles ne me font plus peur. C’est facile quand on m’explique. Elles m’aident à communiquer avec ma famille et les soignants. Je peux être plus autonome »