• 29/11/2019
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Reprendre la conduite

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Après un accident ou une maladie, la reprise de la conduite automobile est décisive pour l’autonomie et la réduction des situations de handicap. Mais faute de cadre légal structuré, les usagers se retrouvent seuls dans leurs démarches. Le centre médical de L’Argentière (CMA) a ouvert un programme pour faciliter leur parcours.

La reprise de la conduite dans le parcours de soin

La réglementation française impose à tout titulaire d’un permis B de faire contrôler son aptitude médicale à la conduite, dès lors qu’une ou plusieurs fonctions nécessaires à cette activité sont touchées. Mais malgré la législation et les recommandations des professionnels de santé, peu de patients font réellement la démarche de la visite médicale et/ou de l’évaluation sur route.

Aïcha Rédissi, cadre de rééducation au centre médical de L’Argentière, explique : « Nous avons identifié plusieurs raisons à cela. Les patients doivent entreprendre seuls ce parcours : il leur appartient de signaler leur problème de santé à la préfecture et de se soumettre à une évaluation auprès d’un médecin agréé. À cela s’ajoute la difficulté à trouver une auto-école de proximité adaptée en cas d’atteinte sensorimotrice ou de lésion cérébrale, les éventuels freins économiques (coûts de l’évaluation par les médecins agréés et les leçons de conduite), le sentiment de contrôler le risque ou la peur de se voir confisquer totalement leur permis… »

Les conséquences sont de deux natures : certains patients reprennent la conduite en constituant un danger pour eux-mêmes et pour les autres ; a contrario, certains renoncent à conduire alors que des solutions étaient à leur portée. « Inscrire la reprise de la conduite dans le parcours de soins du patient nous a donc paru une nécessité, poursuit Aïcha Rédissi. Nous proposons aujourd’hui un programme d’évaluation et de réentraînement qui s’intègre dans le cadre d’une prise en charge en hôpital de jour. Il est ouvert aux personnes qui présentent des atteintes cognitives, fonctionnelles et/ou psychiques, avec besoin ou non d’aides techniques. »

Visite médicale et évaluations

L’équipe qui a travaillé sur le projet a fixé l’objectif : proposer un accompagnement complet, qui intègre toutes les étapes nécessaires à la revalidation du permis de conduire. Le parcours du patient commence par une visite médicale auprès d’un médecin agréé par la préfecture, chargé de prescrire les évaluations. « Ce médecin agréé fait partie du CMA, souligne Aïcha Rédissi. C’était l’une des conditions sine qua non pour faciliter le parcours du patient ! Il y a un an, nous avons entamé la procédure d’agrément pour trois de nos médecins par la préfecture. Pour le patient, cela présente un double avantage : il n’a aucune démarche externe à effectuer pour entreprendre son évaluation, ce qui est plus confortable pour lui. Et il bénéficie de l’expertise d’un professionnel de médecine physique et de réadaptation. »

Deuxième étape pour le patient : les évaluations. La conduite automobile est une activité complexe qui mobilise des ressources physiques, cognitives et psychologiques. Une approche pluridisciplinaire est requise. Un ergothérapeute s’occupe des évaluations sensitives et motrices, un neuropsychologue des évaluations cognitives et comportementales. Selon les situations, l’intervention d’autres spécialistes peut être mise en place : ophtalmologue ou orthoptiste pour des évaluations visuelles, neurologue pour les cas d’épilepsie, cardiologue pour des EEG, etc.

Pour les personnes présentant un syndrome de stress post-traumatique, une prise en charge spécifique sera organisée avec un médecin-psychiatre et une psychologue.

Le test sur route

En fonction de leurs résultats aux évaluations, les patients se voient proposer la réalisation d’un test de conduite sur route, avec un moniteur et un ergothérapeute, dans un véhicule standard ou adapté. Selon Aïcha Rédissi, cette phase de mise en situation réelle est indispensable : « Elle permet de comprendre, bien mieux qu’avec un simple simulateur, les forces et faiblesses d’une personne derrière un volant. Feux rouges, ronds-points, changements de direction, dépassements, traversées de piétons, distances de sécurité, angles morts, adaptation de l’allure, anticipation et évaluation du danger… Durant ¾ d’heure de circulation sont testés l’attention, le contrôle, la flexibilité, la mémoire, la vigilance, les réflexes, le comportement du patient. » Pour ce faire, le CMA s’est associé à l’École européenne de conduite. Éric Taton, le moniteur, explique qu’il a tout de suite été partant pour le projet. « La sécurité routière est l’une de nos préoccupations majeures. Être un des maillons de la chaîne dans la reprise de la conduite des personnes victimes d’accident ou de maladie fait sens. »

Il y a quelques semaines, l’école a accueilli les premiers patients. Le temps passé avec eux ne se résume pas au test de conduite. « Nous commençons par leur expliquer comment cela va se dérouler. Puis, à l’aide d’un questionnaire, l’ergothérapeute recueille leurs habitudes de conduite. Même si nous avons connaissance en amont de leur dossier, c’est l’occasion pour eux de nous confier leurs attentes ou leurs craintes, des informations précieuses pour l’évaluation. Après le test, nous débriefons ensemble. C’est important, car la journée est très chargée en émotions. Souvent, les patients se retrouvent pour la première fois depuis longtemps derrière un volant. Nous ne donnons nos recommandations qu’ultérieurement. Elles sont le fruit d’une décision concertée avec les équipes du CMA. »

Et ensuite ? Les comptes rendus sont transmis au médecin agréé du CMA qui rédige son avis au préfet : aptitude avec ou sans restriction, besoin d’heures d’entraînement à la conduite complémentaires, d’acquisition de compétences spécifiques ou d’aménagement du véhicule… Aïcha Rédissi explique : « Quelle que soit l’issue, nous demeurons au côté du patient dans son parcours d’autonomie. Et nous trouvons souvent des solutions ! Si, à terme, la conduite reste contre-indiquée, nous l’accompagnerons dans la recherche d’alternatives. Notre équipe est formée pour l’aider dans toutes ses démarches, y compris administratives. »

L’ambition de l’équipe du CMA ne s’arrête pas là. « Nous voulons proposer à la préfecture des actions de prévention afin que le sujet prenne tout son essor. Par ailleurs, dans le cadre de notre groupe de réflexion RESSACEL, nous travaillons en lien avec l’IFSTTAR* sur l’élaboration d’un outil d’évaluation commun à toutes les structures, qui simplifiera et favorisera la reprise de la conduite dans les conditions optimales. L’enjeu est de taille : il s’agit de liberté "retrouvée" après un accident de la vie. »

* Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux.