Alors que le député socialiste Jérôme Guedj sonne la charge contre le gouvernement à qui il reproche de n'avoir toujours pas légiféré sur le grand âge et le bien vieillir, Roger-Pol Droit, philosophe et conseiller éthique de Partage et Vie revient, dans Le Point, sur notre difficulté à aborder le sujet du grand âge et à affronter comme il se doit les problèmes qu'il pose.
Morceaux choisis
« Le paradoxe, c'est qu'au moment même où on compte de plus en plus de personnes âgées, voire très âgées, semblent s'installer une sorte d'indifférence et de déni de la question. »
« L'idée tout comme la réalité de la vieillesse et de l'extrême vieillesse demeurent difficiles et désagréables à penser. Notre époque, pour des raisons multiples, a mis à l'écart, ghettoïsé, toute la réalité des vieillissements, au pluriel. Car il n'y a pas une vieillesse, mais de multiples façons de vieillir. »
« Parce que cet accompagnement est « invisibilisé » dans notre société, on finit par avoir le sentiment que ces établissements sont des mouroirs, des lieux de désespoir. Alors que, depuis que je rencontre les aides-soignants, les médecins, les psychologues... qui y travaillent, j'ai acquis la conviction qu'il s'agit pour eux, avant tout, entre détermination et perplexité, d'avancer en terre inconnue. »
« Le financement de ces établissements, comme du maintien à domicile des personnes âgées, reste notoirement insuffisant. Sur ce point aussi, Jérôme Guedj a raison de tirer la sonnette d'alarme. »
« Cette question-là, encore une fois, fait souvent plus peur qu'une autre. Parce que l'on s'imagine, à la fois à tort et à raison, que le vieillissement est toujours négatif. Comme un déclin qui conduit inéluctablement à la mort. »
« On oublie l'immense richesse de vie des personnes âgées, leur sens de l'humour, le caractère surprenant que peuvent prendre leurs points de vue. On oublie la fécondité des relations entre générations. On oublie que des trésors de vie se transmettent dans ces échanges. C'est donc l'imaginaire négatif de la vieillesse qu'il faut travailler à changer. Quand Einstein dit qu'il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé, il n'a pas tout à fait tort. Mais il nous faut nous retrousser les manches. »