• 16/02/2023
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Savoirs, éthique et dépendance

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Partage et Vie a fait de son engagement éthique un repère depuis 2019. Il invite à prendre du recul sur les pratiques, à les questionner pour les améliorer, en échangeant entre professionnels mais aussi avec des experts externes à la Fondation. Chaque année, un thème particulier est choisi. En 2023, la réflexion portera sur : « Savoirs, éthique et dépendance ». Comme les années précédentes, les travaux sont conduits avec l’appui du philosophe Roger-Pol Droit.

Souvenez-vous de vos premiers jours de travail…

 

Le thème de réflexion a fait l’objet d’une première formulation partagée avec les équipes.

« Souvenez-vous de vos premiers jours de travail, de votre arrivée à un nouveau poste, de vos débuts dans un environnement professionnel nouveau. Au fil des jours, pour accompagner le mieux possible les personnes dépendantes, vous avez mis en pratique ce qu’on vous avait appris. Souvent cela fonctionne, heureusement, mais pas toujours…! Car tout ne se passe pas, dans la pratique quotidienne, comme nous nous y attendons. Certaines idées préconçues se défont et se transforment. Au contact des résidents, en dialoguant avec vos collègues, vous avez pu découvrir une réalité différente. En réponse aux situations concrètes, vous avez créé des réponses personnelles. Ces trésors d’expériences, il est important de les partager et que notre travail de réflexion en 2023 s’y appuie. Ces préoccupations ont un rapport direct avec l’éthique. L’éthique fait partie des règles enseignées, mais elle est aussi inventée, pas à pas, au contact des situations quotidiennes. Elle relève à la fois du savoir et de l’expérience. Mais de quelle manière, et dans quelle proportion ? Ce sont aussi ces questions que nous voulons partager ».

Le thème 2023 invite à penser les relations entre savoir et éthique dans le champ du grand âge et de la dépendance. Il ne peut exister en effet d’éthique efficace sans une réflexion sur ce que l’on doit savoir, et « avoir en tête », pour agir avec pertinence.

 

L’éthique est avant tout un climat

 

D’après les travaux que nous avons précédemment conduits, l’éthique est avant tout un état d’esprit, un climat, plutôt qu’un système formalisé. Dans l’éthique, émanant de la conscience individuelle, chacun forgerait ses propres règles et choisirait sa conduite de manière autonome. Elle paraît être avant tout subjective, elle se rattache au comportement moral. Elle est un questionnement sur le positionnement le plus juste. L’éthique a le souci des cas individuels et des situations concrètes, jugés d’après une évaluation personnelle dépendant de notre conscience morale ». Elle pourrait donc s’opposer a priori au « savoir » en tant qu’ensemble de connaissances formalisé, validé et stable dans le temps (bien que susceptible d’évoluer).

 

Les représentations collectives du grand âge

 

La question du grand âge raisonne en chacun de nous car sauf accident de la vie nous sommes tous amenés à vivre de plus en plus vieux, peut-être jusqu’à devenir dépendant. Or, l’âgisme qui règne dans nos cultures fait de cet horizon un état à retarder  sans cesse plutôt qu’à préparer. Nos représentations collectives du grand âge sont alors faites de peurs, de fantasmes et d’idées préconçues. L’institutionnalisation de la dépendance, certes nécessaire, a en outre contribué à accentuer cette tendance, en plaçant la dépendance hors du champ de vision quotidien des citoyens. L’absence de contact et de connaissances sur le vieillissement couplée à une survalorisation de la jeunesse et de la performance, alimente ainsi les peurs et le rejet de chacun. Nous nous trouvons ainsi, pour beaucoup d’entre nous, dans une situation paradoxale où le grand âge est un horizon universel inévitable sur lequel nous n’avons que très peu d’informations et de connaissances, tant du point de vue physiologique, neurologique que pratique.

 

Éthique et savoirs sont-ils antinomiques ?

 

Les professionnels exerçant dans les établissements médico-sociaux ont quant à eux bénéficié d’une formation  et donc d’un ensemble de savoirs qu’il leur a été inculqués, se confrontant parfois à leurs idées, leurs vécus et leur représentations de la vieillesse. Cet ensemble n’est évidemment pas figé et a évolué au cours de leur pratique professionnelle. Ces savoirs ont-ils changé leur représentation du grand âge ? La façon dont ils envisagent leur propre vieillissement ? Celui de leurs proches ?

Ce savoir est en outre sans cesse confronté aux réalités du quotidien de l’accompagnement du grand âge. Dans certaines situations complexes, les savoirs appris peuvent s’avérer en tension avec les principes éthiques. Il convient alors de se demander si l’éthique repose plus sur l’expérience et l’évaluation intime que sur un corpus de connaissance et si, savoir et éthique  ne sont pas parfois antinomiques. Ou alors, si la connaissance, les savoirs, permettent au contraire d’être à même de développer une réflexion éthique, de se poser les bonnes questions, d’avoir les bons réflexes face aux situations difficiles ? Ou est-ce l’expérience qui prime ? Par exemple, la connaissance des mécanismes à l’œuvre dans les maladies neurodégénératives permet-elle une prise en charge, un comportement ou une écoute plus adaptée face à ces pathologies et donc un accompagnement plus éthique ? 

Expérience et savoirs sont-ils antinomiques ? Ethique et savoirs entrent-ils régulièrement en conflit ? Peut-on enseigner l’éthique ? ou est-ce nécessairement une pratique ? Dans le cas des représentations, voire de l’invisibilisation du grand âge dans nos sociétés, la diffusion du savoir, des connaissances liées à l’avancée en âge est-elle une pratique éthique ? Notamment au regard de l’évolution démographique et des représentations erronées largement diffusées.

Le thème de cette année pourrait nous permettre d’aborder tous ces questionnements.