• 24/01/2019
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Stimuler les capacités cognitives grâce à l'informatique

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La stimulation cognitive constitue une part importante de la rééducation d’un cerveau lésé à la suite d'un AVC, d'un traumatisme crânien, d'une tumeur cérébrale… La MAS Clément Wurtz mise sur l’informatique pour faciliter le travail de réadaptation des résidents.

L’entraînement cérébral pour renforcer les capacités cognitives

Les séquelles qui résultent de lésions cérébrales sont très diverses. Elles peuvent concerner les capacités motrices et sensorielles. Mais le plus souvent, elles touchent les fonctions cognitives : troubles de l’attention, de la mémoire, du langage, de la reconnaissance, de la coordination, difficultés d’adaptation, de planification ou de prise de décision.

La rééducation s’appuie sur deux principes : restaurer les fonctions qu’il est possible de restaurer et mettre en place des stratégies compensatoires lorsque c’est nécessaire. Parmi les thérapies qui vont permettre de récupérer de l’autonomie, la stimulation cognitive peut jouer un rôle clé pour certains patients.

Sandy Carneiro est une psychologue spécialisée en neuropsychologie clinique à la MAS Clément Wurtz dans le 13e arrondissement de Paris. Elle explique : « La stimulation cognitive est une méthode d’entraînement cérébral. À l’aide d’exercices spécifiques, on va travailler sur les fonctions qui ont été altérées afin de les améliorer ou de les restaurer. Le principe repose sur la plasticité cérébrale : le cerveau est capable d’établir de nouvelles connexions neuronales tout au long de la vie, même suite à une lésion. »

Pour mettre en place cette thérapie, il faut s’appuyer sur un bilan neuropsychologique : il va permettre de déterminer quels sont les patients éligibles à ce type de prise en charge, et d’identifier, pour chacun d’eux, quelles sont les capacités cognitives qui sont les plus touchées et sur lesquelles les exercices d’entraînement vont devoir porter.

L’informatique : une méthode ludique et performante

Classiquement, la stimulation cognitive est pratiquée à base de jeux de société ou d’exercices avec du papier et un crayon. Mais Sandy Carneiro connaît les limites de ces méthodes et a souhaité travailler de manière plus innovante : « Beaucoup de résidents de la MAS souffrent de déficits physiques. Il leur est par exemple impossible de tenir un crayon ou d’écrire lisiblement. Par ailleurs, la stimulation cognitive devient plus efficace dès lors que les exercices sont variés. Faire jouer un résident au même jeu de memory jour après jour ne permet pas de créer de nouvelles connexions neuronales et limite les progrès. Je me suis donc tournée vers des logiciels informatiques qui proposent des programmes d’exercices très nombreux et diversifiés. J’ai bien étudié le marché et fait de nombreux tests avant de me décider pour un produit. Puis je me suis lancée. »

Sandy Carneiro a proposé à huit résidents de participer une fois par semaine à ces ateliers et a fait le choix de travailler en séances individuelles. Elle a mis en place pour chacun un programme personnalisé, adapté à son profil. Si les résidents ont pu avoir quelques appréhensions au début, ils ont très vite adhéré à la méthode : « Les exercices proposés sont extrêmement ludiques et dynamiques. Les résidents se prennent au jeu, comme s’ils étaient sur une console. La notion de rééducation passe au second plan, ils prennent du plaisir à exercer leurs capacités. Et puis, travailler sur un ordinateur les aide à se sentir comme tout le monde. À l’heure où les gens semblent avoir un téléphone portable greffé à leur main, c’est gratifiant pour eux de savoir qu’ils ont aussi accès aux nouvelles technologies. »

Les coccinelles

D’un point de vue thérapeutique, l’outil informatique est également très performant. Les paramétrages de chaque jeu peuvent être programmés pour s’adapter aux capacités et aux progrès réalisés par le résident. Par exemple, l’un des exercices permettant de travailler l’attention et la coordination oculo-manuelle consiste à cliquer sur des coccinelles lorsqu’elles apparaissent sur l’écran. La taille de la coccinelle peut diminuer pour permettre aux résidents d’exercer sa précision, la vitesse de défilement augmenter, et l’on peut intégrer des intrus.

L’ordinateur enregistre les résultats de toutes les séances. Cela permet à Sandy Carneiro de disposer d’indicateurs précis et de pouvoir faire des bilans rapidement. « Avec du papier et un crayon, rien de tout cela n’est possible, précise-t-elle. Le stockage des cahiers est compliqué. L’analyse des données est manuelle. Le thérapeute doit souvent inventer lui-même les exercices et les adapter pour tendre vers de la diversité. Pour nous, les professionnels, l’outil informatique fait gagner un temps précieux et nous permet de nous consacrer entièrement aux résidents. » Plus d’une centaine d’exercices sont disponibles.

Pas à pas : les progrès vers plus d’autonomie

Sandy Carneiro a commencé son expérimentation en juin dernier. Elle va s’atteler désormais à analyser pour chaque résident les résultats sur ces six mois. Puis, avec chacun d’eux, elle va refaire un bilan neuropsychologique complet qu’elle confrontera avec celui réalisé avant les séances d’entraînement. « Cela va me permettre de voir avec exactitude sur quelles fonctions les résidents ont progressé ou sur lesquelles il faut intensifier le travail. Mais je sais déjà que les résultats sont là. J’ai par exemple un patient qui souffrait d’une “négligence unilatérale gauche” : il ne percevait rien de ce qui se passait à sa gauche. J’ai commencé des exercices pour stimuler ce côté déficitaire et j’ai pris l’habitude, à chaque fois que nous nous rencontrions, de lui dire bonjour en me plaçant sur le côté gauche, même s’il n’était pas possible pour lui de me voir ou de m’entendre, d’attendre qu’il me repère dans l’espace et de lui serrer la main. Aujourd’hui, quand je le croise dans les couloirs, quel que soit le côté où je me situe, il est en capacité de me voir et de me dire bonjour. »

Pour certains, les résultats sont moins immédiatement visibles mais tous progressent à leur rythme. À chaque exercice effectué, le résident remporte des petites victoires sur lui-même, ne serait-ce qu’en termes de confiance en soi ou de gestion de la frustration. « Parfois ils gagnent, parfois ils perdent, parfois ils ont besoin d’aide, exactement comme chacun d’entre nous au quotidien, en somme. Mon rôle c’est de les stimuler afin de booster leurs capacités cérébrales. Grâce à l’outil informatique, je pense que le pari est réussi. Je suis à la disposition de mes collègues de la Fondation pour échanger sur le sujet s’ils le souhaitent. »