• 21/12/2020
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Bien vacciner en EHPAD, une exigence éthique

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La vaccination contre la Covid-19, prioritaire chez les personnes âgées qui vivent actuellement dans les EHPAD, soulève des questions éthiques complexes. Ces questions doivent impérativement être posées, clarifiées, et résolues de toute urgence. C’est la demande expresse que nous formulons, au nom de la Fondation Partage & Vie

            Elle se fonde sur le travail de réflexion éthique spécifiquement centré sur le grand âge et la dépendance que la Fondation d’utilité publique Partage & Vie - qui gère 122 établissements et services accueillant près 5000 résidents d’EHPAD, ce qui en fait le premier gestionnaire d’EHPAD solidaires dans notre pays - a engagé depuis 2019. Ce travail a deux originalités principales : 1/ il fait dialoguer les personnels, au contact quotidien des résidents des EHPAD, et des experts de diverses disciplines, médecins, psychologues, sociologues, philosophes… 2/ il se donne pour objectif constant d’aboutir à des recommandations éthiques concrètes, claires, praticables par tous et personnalisées[1].

            Aujourd’hui, la question de la vaccination contre la Covid-19 chez les personnes très âgées est confrontée à un dilemme. D’un côté, ces personnes sont considérées, à juste titre, comme prioritaires, parce qu’elles sont les plus exposées au risque de développer une forme grave, voire mortelle, de la maladie. D’un autre côté, le caractère volontaire de la vaccination nécessite d’obtenir de leur part un consentement libre et éclairé.

Or des troubles de la cohérence sont présents chez près de 80 % des résidents d’EHPAD, s’associent, à des degrés variables, à des troubles de l’attention, des fonctions amnésiques ou langagières, des fonctions exécutives, des capacités de jugement ou de raisonnement et coexistent fréquemment avec des troubles psychologiques et/ou du comportement, rendant aléatoire l’obtention du consentement libre et éclairé attendu.

Il est donc essentiel de trouver le moyen de concilier ces deux impératifs : la protection médicale contre le virus et la protection éthique contre l’atteinte au libre choix des personnes.

À ce titre, en complément de ce qui fait aujourd’hui consensus (caractère individuel de la décision de vaccination, organisation d’une consultation médicale de pré-vaccination, recueil du consentement explicite de chaque résident, égalité d’accès au vaccin, …) deux mesures nous paraissent indispensables pour veiller à la qualité de la décision de recourir à la vaccination :

 

  • S’assurer de la capacité des résidents à exprimer un consentement libre et éclairé en procédant, lors de la visite médicale de pré-vaccination, à l’évaluation précise des capacités à l’élaboration d’un consentement : restitution de l’information par le résident afin d’établir ce qu’il a retenu des informations transmises, évaluation de sa compréhension des différentes options thérapeutiques proposées et de leur rapport bénéfice/risque, prise de décision finale et formulation de son choix.
  • Veiller à ce qu’une décision de vaccination puisse être prise pour tous les résidents en organisant, dans les cas où les conditions du consentement libre et éclairé ne sont pas remplies et où le patient ne bénéficierait ni d’une protection juridique avec mission spécifique de représentation en matière de santé, ni de l’appui d’une personne de confiance régulièrement désignée, une procédure spécifique de décision collégiale. Placée préférablement sous la supervision d’un magistrat (le cas échéant honoraire), et appliquant les principes de la médiation en santé, elle prévoirait la consultation de la personne de confiance, ou à défaut de la famille et impliquera le médecin traitant du patient et le médecin coordonnateur, voire le psychologue, de l’établissement.

 

Ces principes clairs doivent être opposables à tous et constituer le cadre de droit dans lequel s’inscrira l’action des établissements gérés par la Fondation Partage & Vie, et leur mise en œuvre sera naturellement de sa responsabilité.

 

Toutefois, il est essentiel, sur un sujet aussi important et aussi symbolique, que la loi soit la même pour l’ensemble des acteurs de notre secteur et qu’elle lève tout soupçon sur le risque d’abuser de la position de faiblesse des plus âgés d’entre nous. Il serait donc hautement souhaitable qu’une décision des pouvoirs publics vienne formaliser les propositions que nous avons formulées.

Claude Jeandel, professeur de médecine, conseiller médical de la Fondation Partage & Vie Dominique Monneron, Directeur Général de la Fondation Partage & Vie Roger-Pol Droit, philosophe, conseiller pour la réflexion éthique de la Fondation Partage & Vie

[1] Voir l’ouvrage  Ethique du grand âge et de la dépendance, paru aux Presses Universitaires de France en novembre 2020, qui présente cette démarche et ses premiers résultats.