• 01/09/2018
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Vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap : le VRAS des 4 Jardins

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La vie affective et sexuelle des personnes handicapées accueillies en établissement est une question délicate à aborder. Au foyer d’accueil médicalisé Les Quatre Jardins à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs (Isère), un comité a été mis en place il y a plusieurs années.

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Le FAM Les Quatre Jardins accueille des personnes atteintes d’épilepsie sévère pharmaco-résistante, associée à des troubles cognitifs, psychiques, physiques ou sensoriels. Ce type de pathologie est reconnu comme « handicap rare ». Les troubles dont souffrent les résidents ont des répercussions importantes sur leur vie quotidienne et leurs relations avec les autres. Beaucoup ont des difficultés de langage et de compréhension. Peu savent lire ou écrire, certains ne s’expriment pas verbalement.

La mission des équipes est de les aider à vivre le plus normalement possible malgré ce handicap et de leur apporter l’attention et les soins nécessaires à leur épanouissement personnel. Paul-Emmanuel Andreu, directeur de l’établissement, explique : « Avoir une vie relationnelle, affective et sexuelle satisfaisante participe à cet épanouissement. Mais pour des personnes aussi fragiles que celles dont nous nous occupons, rien n’est moins évident. C’est à nous de trouver les moyens de lever les difficultés. » Et celles-ci étaient très nombreuses lorsque l’établissement a ouvert. Claude Barral-Baron, la psychologue, en témoigne : « La question des relations affectives et sexuelles des résidents prenait beaucoup de place dans notre quotidien. C’est le sujet sur lequel les salariés s’interrogeaient le plus souvent. Beaucoup estimaient, à raison, ne pas être suffisamment formés pour gérer les situations. » Du point de vue des résidents, la question n’était pas plus évidente. Avant d’arriver aux Quatre Jardins, la plupart étaient accueillis dans des structures pour enfants (IME) où ils n'avaient pas forcément accès à des informations relatives au corps et à la sexualité. Et d'une manière générale, ils éprouvent des difficultés à contrôler leurs émotions et à canaliser leurs pulsions. La relation à l'autre les déborde bien souvent.

Claude Barral-Baron explique : « Il fallait impérativement que nous encadrions le sujet pour pouvoir le traiter correctement. C’est ainsi qu’est né le Comité Vie Relationnelle Affective et Sexuelle (VRAS). »

Quelle est la différence entre la famille, un amoureux, un ami, une simple relation ?

Le comité VRAS est composé d’une dizaine de salariés volontaires : éducateurs spécialisés, AMP, aides-soignants, psychologue, infirmières, maîtresse de maison… Tous ont reçu une formation spécifique. La psychologue précise : « Nous devons considérer les résidents comme des individus singuliers, avec leurs désirs, leurs pulsions, sans projeter sur eux nos propres représentations de la sexualité, ni porter de jugement moral. Le fait de se réunir en groupe pour aborder ces sujets nous aide beaucoup. Notre objectif est de les accompagner dans l’accomplissement de leur vie intime et sexuelle en répondant à leurs questionnements, en les aidant à acquérir les codes du vivre ensemble et en leur apprenant à devenir matures dans leur relation à l’autre. »

Le champ d’intervention du comité est vaste. Les équipes travaillent par exemple sur les degrés d'affectivité afin d'aider les résidents à se positionner correctement dans leurs relations avec les autres. Quelle est la différence entre la famille, un amoureux, un ami, une simple relation ? Quels comportements peut-on avoir avec chacun d'entre eux : “qui serre-t-on dans les bras ?”, “qui tutoie-t-on ?”, “qui invite-t-on dans sa chambre ?”, “qui tient-on à distance ?”.

Les professionnels utilisent des supports visuels et demandent aux résidents de positionner des photos des gens de leur entourage dans l'une des sphères relationnelles évoquées ci-dessus. C'est un appui qui leur permet d’objectiver la nature de leurs liens aux autres et de désamorcer les situations. Le comité VRAS pose un cadre, ouvre la discussion, donne des informations, aide à concevoir des réponses. Le comité aide également les résidents à mieux adapter leurs comportements. Claude Barral-Baron commente : « Nous les incitons à se questionner sur ce qu’ils font : “est-ce le lieu ?”, “est-ce le moment ?”, “est-ce que la personne qui est en face de moi en a envie ?”. Nous les aidons aussi à mieux appréhender l'image qu’ils renvoient et les signaux qu'ils émettent. Par exemple, certaines jeunes femmes maîtrisent parfois mal les codes de la séduction et peuvent se retrouver dans des situations qu’elles ne souhaitent pas. Nous les conseillons sur leurs vêtements, leurs attitudes. » L'accompagnement des couples fait aussi partie des missions du comité.

En cas de besoin, des temps de rencontre individuels puis en couple sont aménagés pour les aider à réguler leur relation, à résoudre des conflits, à exprimer leurs attentes vis-à-vis l'un de l'autre, et à trouver eux-mêmes les solutions pour que chacun puisse s'épanouir dans la relation. Le comité veille à être le moins interventionniste possible car l’objectif est bien de les autonomiser.

Depuis 2017, le comité a mis en place des groupes d'expression sur la vie affective et sexuelle (GEVAS) abordant des thématiques variées : la découverte du corps, le cycle menstruel, les moyens de contraception, la grossesse, qui est un sujet important pour les jeunes femmes. Leur pathologie ne leur permettra pas d'avoir d'enfant, elles peuvent comprendre pourquoi et s'exprimer sur ce sujet. Le comité est très apprécié des résidents. Claude Barral-Baron explique : « Quand nous avons mis en œuvre cette instance, nous avons veillé à ce qu’elle soit bien identifiée par les résidents. Nous avons créé un logo, les supports visuels facilitant l’accès à l’information. Nous avons mis en place une boîte aux lettres dédiée dans laquelle ils doivent nous transmettre leurs demandes. Cela contribue à poser les choses, à mettre des mots sur des émotions. C’est un cadre extrêmement structurant pour eux. Cela les aide à se construire. »

Le comité, un lieu ressource Le comité est aussi un lieu ressource pour les salariés qui savent vers qui orienter les résidents qui en ont besoin, et vers qui ils peuvent eux-mêmes se tourner en cas de difficulté pour répondre aux questions qui leur sont posées. Le comité VRAS continue de réfléchir sur de nouveaux projets. L'ouverture d'un centre de documentation sur la vie affective et sexuelle est prévue pour bientôt. Les résidents pourront consulter, quand ils le souhaitent, des revues, des planches didactiques. Un pas supplémentaire dans leur parcours vers l'autonomie.